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L'industrie du troisième millénaire

     Actualité Enquête - Ces bobos qui ont fait gagner la gauche 

 

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Lyon capitale du mercredi 4 au
mardi 10 avril 2001

Thierry Ehrmann : « Je ne suis pas un bobo ! »

Entretien. Thierry Ehrmann, la quarantaine, est p-dg du groupe Serveur qu'il a fondé en 1987. Annonçant sans complexes 3 à 4 MF par an de revenus personnels, ce libre-penseur passionné d'art contemporain a appelé à voter Gérard Collomb aux municipales. il est totalement rétif à la notion de bobo.

Lyon capitale : Self-made man reconnu de la nouvelle économie, vous avez appelé à voter Gérard Collomb. Peut-on vous considérer comme un des symboles lyonnais des bobos...
Thierry Ehrmann :
Certainement pas. Je ne suis pas un bourgeois-bohème. Le bobo représente une classe sociale qui, d'un point de vue marxiste, s'approprie l'outil capitalistique et reconnaît le contrat social, ce que moi je refuse en partie. Le bobo utilise une mobilité accrue grâce à l'acquisition de biens matériels ou immatériels mais, évolué ou pas, il reste un bourgeois, ce que je ne suis pas. Dans le champ de la création, le bobo fait perdurer les psychorigidités d'il y a 5 ou 10 ans. Il a des mœurs établies qui ne font que s'adapter à l'évolution naturelle de la fin du XXème siècle. Le bobo jeune avocat reprend les mêmes codes que ses pairs si ce n'est qu'il dispose d'un certain nombre d'outils qui lui permettent une liberté de penser. En réalité il présente une même rigidité au fond de lui. Dites moi quel bourgeois pourrait prendre la défense des cultures des minorités sexuelles agissantes et les bordures les plus extrêmes de l'art contemporain comme je le fais régulièrement lors de débats publics ?
Vous semblez en vouloir au bobo ?
Il y a des gens que j'aime bien qui sont dedans, et l'émancipation d'une bourgeoisie sédentaire en bourgeoisie bohème est plutôt sympathique. Je préfère un bourgeois-bohème à un bourgeois d'Ainay ! Et puis, ils ont déjà l'honnêteté de se définir comme une caste sociale. Mais si je n'ai rien contre le bobo, je ne peux pas y adhérer : il n'y a pas de révolution sociologique là-dedans. On vit une amélioration de la bourgeoisie, c'est tout, et le problème bourgeois demeure le même. Je n'en veux pas aux bobos, mais je fais remarquer que c'est une notion métaphysiquement creuse sans aucune référence culturelle, un produit marketeux d'agence parisienne que la droite récupérera demain pour le flinguer. Ce sera facile, il n'y a rien dedans. Le bobo a adopté le hightech et les nouveaux médias. Par exemple, il n'a jamais fait d'internet une culture qui aurait 15 ou 20 ans d'âge. Je n'ai encore jamais vu un bobo me soutenir une véritable philosophie ou une culture des réseaux.
Comment vous définissez-vous ?
La notion de nomade définie par Attali m'intéresse plus. J'appartiens au village global. Les gens qui sont dans notre mouvance, ce sont plus des anars qui veulent faire exploser l'ancien système : ils ont une très forte culture underground qui n'a rien à foutre des bobos, c'est net et carré [...] Je n'ai eu aucun engagement partisan, si ce n'est de dire que la gauche a indiscutablement libéré les énergies depuis 20 ans sur tous les nouveaux médias, ce qui a enfin permis la rupture avec les ordonnances de presse de 1945. Si j'ai appelé à voter Collomb et si je suis allé au conseil municipal à son élection, c'est parce que c'était de l'histoire : il fallait faire tomber un siècle de bourgeoisie qui a rigidifié et étouffé culturellement cette ville. Je suis fou de joie que la gauche ait gagné Lyon et j'étais prêt à me battre jour et nuit contre contre une certaine bourgeoisie, mais ça ne nous empêchera pas, je l'ai dit à Gérard (Collomb NDLR) d'être de féroces contradicteurs pour la défense d'une gauche libertaire...

Propos recueillis par Ph. Chaslot
copyright ©2001 Lyon capitale

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